A la recherche du cimetière juif du Moyen Ȃge

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Alain Teulade préside depuis 1984 la Société d’Histoire Posquières-Vauvert, créée en 1978 par Emile Guigou. Sa passion pour l’histoire de notre commune, sa curiosité toujours en éveil dès qu’il s’agit d’élargir ses connaissances sur le passé prestigieux de Posquières, en font un acteur incontournable de la vie culturelle vauverdoise.

La présence de juifs à Posquières et la renommée de l’école rabbinique constituent un fait majeur de l’histoire de notre localité.

La renommée est surtout due à Abraham Ben David (Rabad de Posquières) qui était reconnu dans tout le monde juif de l’époque, c’est-à-dire le bassin méditerranéen et l’Europe, pour l’interprétation des textes sacrés. Chaque fois qu’il y avait une interrogation, un désaccord ou un problème d’interprétation son avis faisait autorité. Il était consulté par des personnes qui venaient par delà les frontières du royaume. En outre, il prodiguait un enseignement spirituel remarquable, et dans ce cadre, il recevait des étudiants et des savants de tous les pays d’Europe.

Originaire de Narbonne (il y est né en 1125), et après diverses pérégrinations qui le conduisent à Nîmes, Beaucaire ou encore Lunel, il se fixe à Posquières, aujourd’hui Vauvert, où il décède en 1198. Mais,  il convient de le préciser, il est impropre de parler des juifs de Vauvert ; ce sont les juifs de Posquières. Si bien qu’à l’étranger, dans le monde juif en particulier, Posquières est plus connu que Vauvert.
Abraham Ben David fonde une école talmudique, célèbre dans toute l’Europe, où il enseigne les principes de foi du judaïsme ; il écrit des textes, des traités sur les préceptes religieux, sur la portée pratique de la Loi juive. Son œuvre la plus étudiée est le Livre des maîtres de l’âme, édité à Venise en 1602.

Son fils a également contribué à la notoriété de l’école rabbinique de Posquières.

Effectivement, son fils, Isaac l’Aveugle (1165-1235), est un des initiateurs de la Cabbale ; il est même considéré comme le père de la Cabbale, une des grandes manifestations de la mystique juive dont l’objet est de percer la signification profonde des textes bibliques.
Avec son neveu, Ascher Ben David, et son père Abraham Ben David de Posquières, ils forment le « triptyque » des « trois Ben David » qui va donner un essor extraordinaire à ce grand courant de la Tradition juive.

Que sait-on de la communauté juive de Posquières ?

Nous n’avons pas de données précises sur la présence des juifs de Posquières mais plusieurs recoupements nous permettent de dire que leur installation s’est faite progressivement à partir du VIIIème siècle. Elle s’est accrue en 1140 avec l’exil des juifs andalous fuyant les persécutions almohades. En 1165, le voyageur itinérant juif, Benjamin de Tudèle, évaluait cette population à 40 familles, ce qui peut représenter approximativement 200 à 250 habitants. Au XIIIème siècle, la communauté a pu compter jusqu’à 400 habitants, soit une estimation d’un tiers de la population du bourg.
A Posquières, les juifs vivaient dans le quartier situé sur les versants Sud et Sud-Est de la colline, à l’extérieur des murailles du château.

 
 

Il ne subsiste malheureusement pas de vestiges ou d’écrits sur l’implantation pourtant  multiséculaire de la communauté juive. Seuls les noms de deux rues de notre localité, la rue des Juifs et la rue des Bonnets-Carrés (coiffes que portaient les professeurs d’Université au moyen-âge), témoignent de leur présence et situent le quartier dans lequel ils vivaient.

 

Leur départ a eu lieu à quelle époque ?

En 1306, lorsque Philippe Le Bel a chassé les juifs de son royaume, ceux de Posquières sont partis dans le Comté de Provence voisin, à Tarascon, notamment. Le Rhône faisait la limite entre le royaume de France et la Provence qui était terre d’Empire. Ensuite quand la Provence a été rattachée au royaume de France, les juifs se sont réfugiés dans le Comtat Venaissin (aujourd’hui le Vaucluse) qui appartenait au Pape.

Dites nous comment est né votre projet de recherche des sépultures juives.

En 1998, la mairie a reçu une lettre de juifs brésiliens demandant où était enterré Abraham Ben David. Sollicité en ma qualité de Président de la Société d’Histoire mais ne sachant comment élucider cette question, j’ai demandé au Docteur Guigou : « Il devait bien y avoir un cimetière juif » ? Emile Guigou m’a indiqué qu’effectivement ce lieu de sépultures se situait sur l’emplacement de l’actuelle maison de retraite, au Pic de Milan.

A-t-on retrouvé des traces ?

A Vauvert, comme presque partout en France, les stèles funéraires juives ont été détruites et réutilisées comme matériau de construction à la fin du Moyen Âge. Aussi, il ne restait plus beaucoup de traces visibles au moment de la réalisation de la maison de retraite. En l’absence de fouilles préventives – elles n’ont été généralisées qu’en 1986 – il est fort possible que les derniers vestiges du cimetière juif aient été dispersés avec les déblais du chantier.

Alors, votre démarche aujourd’hui consiste à rechercher ces dernières traces de la communauté juive de Posquières.

Au début, je me suis engagé un peu trop rapidement sur une piste qui s’est avérée erronée. Des personnes dont la connaissance de Vauvert n’ait pas contestable m’avaient affirmé de bonne foi que les déblais du terrain de la maison de retraite avaient pu servir à combler une partie de l’ancienne décharge de l’Espérion. En 2011, la mairie a mis à disposition une pelle mécanique pour effectuer des fouilles. Les recherches ont été totalement infructueuses.

Mais vous n’en êtes pas resté là.

Non. Je me suis rapproché de Jean Pujalté, ancien Directeur des services techniques de la ville, qui était l’adjoint du directeur au moment de la construction de la maison de retraite. Jean Pujalté qui possède une excellente mémoire m’a dit : « Tu fais fausse route. Les déblais du chantier ont été déposés de l’autre côté du chemin (l’actuelle rue Louis Aragon) ».

 

Ce terrain ayant été depuis aménagé en espace public, il va être difficile d’y effectuer de nouvelles fouilles. Mais, je ne désespère pas de retrouver un jour les traces du passé des Juifs de Posquières.

Merci Alain Teulade et bonne pioche.

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A propos de l'auteur :

Guy Roca