L’Insoumis…

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Il est des personnages hors du commun, méconnus, voire oubliés ou connus pour tout autre chose qu’ils ne furent.

Si l’on dit « Jean Jourdan« , beaucoup de nos concitoyens ne se doutent pas qu’ils ont eu à leur porte, un personnage que même un romancier aurait eu de la peine à imaginer. Qui était-il..?

C’était un vieil anar du temps des luttes et des grèves

Un vieux révolté du peuple des insoumis.

(Michel Falguières)

C’est Michel Falguières, ami et biographe de Jean Jourdan, que nous avons rencontré pour nous faire revivre ce parcours exceptionnel. (Edmond Lanfranchi)

Qui était Jean Jourdan, dans quel contexte et à quelle époque a-t-il vécu ? 

Michel Falguières – Jean Jourdan est né dans le village d’Aimargues en 1908 et il est décédé à Le Cailar en 1986. Cet homme-là était avant tout un travailleur de la vigne, je dis bien un travailleur, pas un vigneron-propriétaire. C’était un journalier, un brassier, un homme qui a vécu de la vigne.

Pourquoi est-il  à la fois très et pas connu de ses concitoyens ?

M F – Très connu..? C’est le lieu qui était très connu : la fameuse GUINGUETTE A CHOCHO qu’il avait créée au bord du Vistre. Les gens connaissaient « Chocho » mais pas forcément Jean Jourdan. Quand à ceux qui se sont penchés sur l’histoire de notre région, ils ont peu retrouvé sa trace à travers le mouvement anarchiste auquel il a appartenu car il ne faisait pas la une des journaux.

Les divers propriétaires avaient conservé la « Guinguette »

Dans ce passé remarquable, qu’est-ce qui vous parait caractériser Jean Jourdan ?

M F – Jean Jourdan est avant tout un révolté et un homme libre. Il a construit sa vie sur ces deux principes fondamentaux : la révolte et la liberté. C’était un autodidacte.

Il arrive à l’école en 1914, il a six ans. Les instituteurs sont sur le front. L’école de la République, il la connaîtra trois ans seulement et n’obtiendra pas le certificat d’études. Malgré ce, il nous laissera des idées, des écrits et aussi des poèmes car c’était un passionné de littérature. Lisant très peu, ses connaissances, il va les acquérir à travers ce qu’il entend. Tout ce qu’il nous restituera, viendra des conférenciers qui venaient à Aimargues et dans la région marquer et soutenir les grands mouvements sociaux. C’est cette transmission orale qui jalonnera essentiellement son parcours.

Triste fin pour ce lieu si chargé d’histoire

De ces mouvements sociaux dont vous parlez, quel serait pour vous le mouvement phare de son action et peut-être ce qui affirmera sa personnalité ?

M F – On connait maintenant Jean Jourdan essentiellement dans les archives de la police. C’est son premier grand mouvement qui lui a valu cette notoriété chez les forces de l’ordre. En 1926, à Aimargues, avec son groupe d’anarchistes, il participe à une action très violente, une action anticléricale qui leur vaudra condamnation et emprisonnement. Ces agissements musclés ont révélé Jean Jourdan comme un personnage dont le pouvoir se méfiera constamment. Par la suite, sous divers prétextes, il connaîtra la répression et la prison.

Dans les années 1924/1945, il va rejoindre le Groupe d’Etudes Sociales qui avait été fondé à Aimargues à la fin du XIXème siècle. Dès 1927, il participera à Nîmes aux grandes manifestations en soutien à Sacco et Vanzetti. Là, il va rencontrer le mouvement anarcho-syndicaliste déjà politiquement structuré dans la région.

Lors de la grande crise, cette « Maison de la République d’Aimargues, fût occupée par Chocho et ses amis. Ils tinrent tête aux autorités jusqu’à ce qu’ils eurent obtenu satisfaction.

Pour aller vite, il va se révéler militant à part entière des années 26 aux années 40. A cette période, le Mouvement Anarchiste est très fort dans la région mais disparaître au début de la seconde guerre mondiale. Cependant, jusqu’à cette date, ses camarades et lui écriront l’une des plus belles pages de l’histoire sociale de notre région.

Qu’est-ce que l’histoire sociale de notre région ?

M F – L’histoire sociale de notre région, ce sont les grands combats de la viticulture, car, tous ces anarchistes travaillent pour la viticulture. Quatre-vingt pour cent de la communauté Aimarguoise travaille la vigne. Cela représente plus de 1 500 femmes, hommes et enfants. Ils vont fonder un syndicat puissant, indépendant des syndicats type CGT, qu’ils refuseront de rejoindre. C’est donc autour de la vigne que va se jouer l’histoire sociale.

Nous sommes donc à la fin de la guerre de 1914, très proche de la révolution Russe, un des évènements majeurs pour le mouvement anarchiste, où en sont-ils à ce moment-là ?

M F – Il faut d’abord définir les idées fortes des anarchistes à cette époque-là. Il y a quatre terrains sur lesquels ils excellent et qui les motivent pour se battre : l’anti-électoralisme, l’anti-militarisme, l’anti-capitalisme et l’anticléricalisme.

Tout d’abord, peu importe l’ordre, prenons l’anticléricalisme. Dans ces communes rurales comme à Aimargues, la loi de séparation de l’église et de l’Etat n’est pas respectée. Pas respectée, parce que tous ses maires sont anti-républicains. Ils sont en général monarchistes, légitimistes voire bonapartistes et les catholiques organisent des processions qui se succèdent dans les rues. Face à ces défilés, les jeunes anarchistes, qui, bien sûr, se veulent athées, vont contester ce fait-là. Il y aura donc de violentes bagarres auxquelles Chocho (Jean Jourdan), bien entendu, prendra une part active et tout ça se terminera au tribunal et, pour certains, même en prison. J’ai retrouvé dans un rapport de police : « Jean Jourdan, élément trouble, subversif, que l’on n’a pas réussi à mettre en cause en mars 1926 lors de l’attaque de cette procession, mais dont nous pensons qu’il en est l’instigateur ».

Cet édifice, » cauchemar « de ces anars athées, d’où partaient les fameuses processions.

Nous ne sommes pas très loin de la Révolution Russe et on ne peut terminer ce survol de la vie exceptionnelle de Jean Jourdan sans évoquer le grand chef révolutionnaire, l’anarchiste Makno.

M F – Bien-sûr, Makno vint à Aimargues une seule fois. Par contre, sa femme y séjournera plus d’un an en compagnie de sa fille. Makno vint à Aimargues dans le cadre des grandes conférences organisées par le mouvement anarchiste de l’époque. Il faut savoir que l’écrit n’est pas très en vogue dans ces localités, nous sommes toujours dans la tradition orale et les gens se déplacent pour aller entendre les beaux discours. Sébastien Faure est venu à la fin du XIXème siècle, Louise Michel aussi est venue. Paul Roussenq (Le Bagnard de Saint-Gilles) viendra à son retour d’URSS pour raconter ce qu’il a vu là-bas. Une cellule communiste est constituée à Aimargues et, malgré ça, les anarchistes ne votant pas, ils laisseront toujours passer un maire de droite.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là…! Cet ouvrage que nous venons d’évoquer est tout simplement intitulé : Jean Jourdan. Ce sont quelques pages de l’histoire de notre région, qu’il est indispensable de se remémorer. Ce n’est pas un roman, c’est un riche épisode de la vie d’un homme d’exception. Cet homme, tout au long de sa vie, a pris des notes qu’il ne s’est pas senti de transcrire. Michel Falguières, s’est donc trouvé à la tête d’un véritable trésor qu’il nous livre et dont nombre d’évènements sont tout à fait inconnus. Il a des réserves, peut-être y aura-t-il une suite…

Michel Falguières

Michel Falguières est écrivain, conteur, poète, auteur de nombreuses pièces de théâtre. Dans notre région, il donne régulièrement des conférences sur divers sujets. Son oeuvre nous promène régulièrement des marais aux rues de Le Cailar et autres lieux pour finir dans les « Bras du Rhône ». Il réside et travaille à Le Cailar où nous le retrouverons bientôt.

« Jean Jourdan », édité chez Comédia, est en vente à la Librairie « La fontaine aux Livres », 2 rue Gambetta (Place de l’Eglise) à Vauvert ou à commander chez l’auteur : michel.falguieres30@orange.fr

Photos et propos recueillis par Edmond Lanfranchi

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A propos de l'auteur :

Guy Roca