Retour au Scamandre

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Pour reprendre ses activités des « Belles Soirées du Scamandre », Serge Colombaud, responsable des animations, avait choisi cette journée du patrimoine pour nous proposer deux thèmes de choix.

Puisque reprise il y a, il va tout d’abord nous présenter les actions à venir pour cette fin d’année, puis le programme de cette soirée.

Serge Colombaud

SC – Oui…c’est une saison qui a l’air de bien démarrer, et en tout cas avec la programmation jusqu’à la fin de l’année 2013. Nous allons vous la donner en partant de la fin, soit :

– Le mois de décembre, où nous présenterons le Dictionnaire de la Course Camarguaise, livre de Jackie Siméon, paru il ya peu aux Editions du Diable Vauvert.

– Autre livre pour le mois de Novembre : Lou Mut De Camargue,  Aux Livres de Camargue, le livre de toute une vie de gardian et de toute une époque, de Guy Dagnac. Des personnages savoureux à tous les lieux mythiques de notre région, c’est à savourer sans modération !

– Pour le mois d’octobre, un ouvrage exceptionnel : Camargue Plein ciel, aux Editions du Diable Vauvert. Le photographe Alain Colombaud, une main sur les commandes de son ULM, l’autre sur son appareil, nous révèle une Camargue inédite avec la complicité de Jacques Maigne qui en a écrit les textes.

Une programmation qui, je pense, tient bien la route qui nous conduira à la fin de cette année 2013 pour satisfaire nos nombreux visiteurs.

Vous avez choisi de marquer cette journée du patrimoine en nous proposant deux sujets sur notre environnement, vous nous en dites plus ? 

SC – Dans le cadre donc, de ces trentièmes journées européennes  du patrimoine, mais aussi du centenaire de la loi sur la protection des monuments historiques en France.

Pour participer à cet événement, nous avons le grand plaisir de recevoir Bernard Picon, sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS, auteur de nombreuses communications, spécialistes de nos zones humides et particulièrement sur les relations homme/nature en Camargue.

 

Lionel Jullian

Tout d’abord, nous présentons : Camargue, Terre des Artifices, un documentaire d’une vingtaine d’années, dont il est le co-auteur avec Claude Timon Gaignaire. Ca nous permettra de mieux comprendre comment cette Camargue  artifialisée1939. On parle de « nature »mais c’est une nature culturelle en quelque sorte. Bernard  Picon nous expliquera tout ça. Ensuite, toujours dans la même idée, une approche plus esthétique, la présentation du livre de Lionel Jullian, Beauduc, pièces de Silence aux Editions La Sansouire. Ce sont des photos de cet espace mythique de la Camargue à différentes époques, ce qui nous donne des images en noir et blanc ou couleur avec, là encore, des textes de Bernard Picon. Ces photos donnent lieu à une exposition que vous pouvez voir ici jusqu’au 20 octobre.

 

Comme nous l’a précisé Serge Colombaud, le documentaire projeté, âgé d’une vingtaine d’années, est tout à la fois une belle leçon d’histoire et une leçon de science de la terre qui nous sont commentées avec limpidité par les différents intervenants du film, dont Bernard Picon qui nous a fait le plaisir de répondre à nos questions.

Bernard Picon

Bernard PICON est sociologue. Directeur de recherche émérite au CNRS.Membre du conseil scientifique de différentes institutions qui ont trait à l’environnement et en particulier dans notre région : la réserve de biosphère de Camargue.

Il est  l’auteur de nombreuses publications sur ces sujets.

Aujourd’hui, c’est le sociologue qui nous entretient sur le sujet : les relations homme /nature en Camargue.

Nous vous livrerons cet entretien en deux parties. L’une plus générale, la deuxième, plus spécifique à notre terre de Camargue.

Bernard Picon vous êtes tombé dans l’environnement dès votre plus jeune âge, qu’est ce qui vous a attiré dans cette discipline ?

BP – En fait, pas depuis mon plus jeune âge, puisque je suis sociologue du travail à Aix en Provence  et j’étudiais les rapports sociaux dans les entreprises, et un beau jour, on m’a proposé d’étudier les rapports homme/nature en Camargue, ça m’a intéressé, parce qu’il est vrai que je suis d’origine rurale, et que tout ce qui concernait le rapport à la nature me passionnait de toute façon.

Vous êtes membre de plusieurs comités scientifiques, qui en très grande partie sont destinés à l’environnement. 

BP  Oui, puisque j’ai commencé à faire ce travail sur la Camargue, sur les interactions homme /nature qui ont produit ce territoire, ces paysages, et j’ai eu la chance d’être publié et cet ouvrage a eu quelque retentissement, et ensuite ça vient tout seul. On dit : Ah tient, celui-là, on veut l’avoir dans tel comité, tel comité… et voilà. 

Vous parlez de ce territoire, dans votre exposé, et ce coté « artificialité », comment expliquez-vous ça plus clairement ? 

BP  Justement, parce que les interactions entre les hommes et les milieux naturels de Camargue, du fait de la gestion de l’eau extrêmement complexe, ont contribué à produire des paysages et une richesse biologique extraordinairement importante. C’est tout à fait le hasard, c’est-à-dire qu’en artificialisant la Camargue, les humains n’ont pas cherché à produire de beaux paysages ou de la biodiversité, mais en fait, ils y sont arrivés en faisant de la vigne irriguée, en faisant du riz, ils ont maintenu des zones humides exceptionnelles. Je dirai donc que dès le XVIIéme, XVIIIéme et surtout XXéme siècle avec l’apparition des pompes à vapeur, ils ont peut être fait du développement durable comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, c’est-à-dire sans le savoir. En produisant des biens économiques, il ont en même temps produit et enrichi le milieu naturel.

L’exemple est certes rarissime, mais ce qui me passionne, c’est qu’il mérite d’être développé,  comme, peut être comme un morceau  d’ optimisme écologique. C’est-à-dire, que les activités humaines ne sont pas forcement destructrices des ressources naturelles comme on a trop tendance à l’asséner à longueur de temps.

Alors là, n’y a-t-il pas une espèce de paradoxe ? On est dans l’artificiel, qui devient patrimonial et que l’on arrive à protéger. Dans tous les trafics : un jour je mets du riz, le lendemain du blé, on est très loin de la réalité de la nature.

BP Oui, loin, très loin…et alors…qu’est ce qu’il y a de grave ? Il y a un exemple qui est symptomatique : pour beaucoup de gens la Camargue, c’est le territoire des flamants roses et s’il y en a tant c’est qu’ils se reproduisaient dans l’étang du Fangassier qui était approvisionné en eau par les salins du midi qui pompaient de l’eau à la mer. Les salins ont arrêté leur activité à cet endroit, les flamants ne se sont pas reproduits.

On est donc là dans l’exemple typique de quelque chose qui est inverse à ce que l’on considère. On considère généralement que si une entreprise ferme, c’est bon pour la nature et là un emblème de nature risque de disparaître parce qu’une activité économique disparaît. Ça, c’est intéressant… En fait mon obsession, c’est de détruire cette dichotomie entre ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas. Depuis des millénaires, il y a tellement d’interactions entre l’homme et la nature que tous les paysages s’en ressentent. L’ensemble de la planète, aujourd’hui, n’est plus naturel. Plutôt que de parler de nature, parlons d’environnement, ce n’est pas un hasard… Pour moi  l’environnement ce sont des milieux qui résultent du rapport homme/nature et faisons en sorte que ce rapport continue de maintenir de la biodiversité. Arrêtons d’opposer ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas.

Qu’est ce qui est naturel, qu’est ce qui ne l’est pas…. ?

Si on parle du réchauffement climatique, c’est l’ensemble de la modification du climat sur l’ensemble de la planète qui est du à l’action de l’homme, à nos émissions  de gaz à effet de serre. Le climat est bouleversé et change à l’échelle planétaire. C’est la première fois, dans l’histoire de l’humanité, que l’on réussit à changer quelque chose à l’échelle de la planète. Ce changement climatique va intervenir sur tout : sure la végétation, la faune, l’homme…prenons acte que maintenant nous sommes dans des milieux qui ne sont ni complètement naturels ni complètement artificiels, pour moi ce sont des milieux environnementaux. Pour moi un objet environnemental, est un objet ou la nature est socialement investie par la société, elle l’est de partout du fait du changement climatique.  Essayons par contre de nous dire : tous les milieux ne sont plus tout à fait naturels, mais faisons en sorte que ces milieux modifiés par l’homme, continuent de produire les ressources naturelles indispensables à la vie sur la planète. C’est pour ça que l’exemple Camarguais, minuscule à l’échelle de la planète, est quelque chose de très d’important. C’est un beau terrain laboratoire, pour penser les rapports à la nature à l’échelle planétaire.

Soyez attentif à la lecture de votre VAUVERT PLUS, la suite est là…. !

Et toujours, le fidèle et nombreux public de ces belles soirées…

Texte et photos, Edmond Lanfranchi

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A propos de l'auteur :

Guy Roca