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2ème partie

Dans la premières partie de cet entretien avec Bernard Picon, nous vous avions suggéré de nous retrouver pour poursuivre  l’entretien sur le sujet qui le passionne : le rapport homme/nature, et aujourd’hui, plus particulièrement : la Camargue.

Alors, Bernard Picon, ce laboratoire qu’est la Camargue est protégé, mais seulement pour 14 %  de sa superficie, comme l’a signalé Alain Tamisier dans le film.

BP – Non, je vous rappelle que le film a vingt ans quand il le dit, mais depuis, il y a eu beaucoup plus d’achats par le conservatoire du littoral, donc plus d’espaces protégés.

Et ces petites guerres qui sommeillent ici et là, entre les propriétaires, les promoteurs, les écolos…

Bernard  Picon II
Bernard Picon

BP Je dirai qu’on peut quand même tenir un discours optimiste, en disant que les gens sont tous convaincus de l’idée du développement durable, c’est-à-dire comment se développer sans tout bousiller ; c’est quand même plus intelligent que de dire : «  faisons des petites zones protégées et faisons n’importe quoi ailleurs » ce qui existait jusqu’à présent. Je pense que s’il y a un choc entre les propriétaires et les écolos qui les accusent de détruire. Je pense qu’il y a là derrière, un rapport de force, une représentation des uns par les autres, qui n’ont rien à voir avec leurs actions sur l’environnement. En gros, en Camargue, le propriétaire a une haute idée de ce qu’il fait : « moi je suis un entrepreneur, c’est moi qui nourrit les nations, alors que tous ces écolos sont des petits fonctionnaires payés par l’état pour nous mettre les bâtons dans les roues et il n’y connaissent rien » en gros c’est ce que l’on entend très souvent. Je pense que c’est assez culturel… c’est un choc des cultures. La culture du docteur en ornithologie, ça n’est pas la culture du riziculteur et je crois que beaucoup de choses viennent de ces différences de mentalité, de ce regard des uns porté sur les autres où la politique et les idéologies s’en mêlent, où on a l’impression qu’il y a comme un air de féodalité… Ces regards des uns portés sur les autres, c’est ça qui pose problème aussi.

Et… la notion de patrimoine, là, elle intervient quand ?

BP Oh la la ! Le patrimoine pour moi, ça n’existe pas. Il n’y a pas d’objets patrimoniaux à priori. Le patrimoine c’est une décision, avant tout. On décide de sauvegarder tel objet pour le transmettre tel quel aux générations futures. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir pourquoi, quelles sont les raisons ou les choix de patrimoiniser ceci plutôt que cela. De patrimoiniser la Camargue ça m’a beaucoup interrogé. J’ai lu beaucoup d’auteurs, de poètes, les félibres et il y a eu là, la construction de ce lieu comme patrimoine. Pour que ça prenne socialement, le fait de vouloir un patrimoine, il faut que ça renvoie à des préoccupations mentales, à une tournure d’esprit adaptée au choix que l’on fait.

Il faut que ça s’adresse au plus grand nombre ? 

BP – Oui, quand des auteurs comme Victor Hugo, Elisée Reclus et même Charles Maurras, ont parlé du Rhône, de la mer et de la Camargue, ils en ont fait un symbole extraordinaire. Ce Rhône qui vient mourir dans la mer, mais en même temps, en copulant avec la mer, il donne naissance à une fille magnifique qui est la Camargue. Donc, il y a toute une symbolique de procréation, de vie et de mort et ça, quand on dit, il faut patrimoiniser la Camargue : ça marche parce que le symbole est fort.

Votre conclusion pour l’avenir ?

BP Je n’en ai pas, je suis sociologue, pas prophète.  Mais, bon, il y a une chose qui est intéressante actuellement, pour un avenir plus ou moins proche. Entre le film de 1995, c’était la protection de la nature ou le développement économique,  et aujourd’hui sur le plan culturel, on voit qu’il se passe énormément de choses. Il y a des manifestations de théâtre de rue, d’art contemporain qui se déroulent en Camargue. Les japonais font du land-art dans les rizières. Donc ce qu’on a réduit à la connaissance de la nature, des oiseaux, etc.., est en train de plus évoluer vers de la culture contemporaine. Il y a de plus en plus d’événements culturels qui viennent  se plaquer sur la Camargue et je trouve ça de plus en plus intéressant pour l’avenir.

Texte et photos, Edmond Lanfranchi

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A propos de l'auteur :

Guy Roca