Jean Sarran : une vie chez les pompiers

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Deuxième partie

Revenons chez les pompiers et dites-nous comment fonctionnait le service au moment de votre engagement en 1954.

Le centre de secours était situé en face la mairie, dans des locaux qui ont abrités ensuite la fabrique de pantalons Volman et qui pendant la guerre servaient de dépôt de ravitaillement alimentaire. Le bâtiment comprenait un garage et une pièce annexe. Tout le matériel était entreposé là. Dans la pièce qui servait de bureau et de salle de réunion ; il y avait des étagères avec nos bottes et nos tenues. Dans le garage, à côté de l’unique camion, nous rangions la motopompe remorquable et les battes à feu.

Comme je vous le disais, le premier camion a été réceptionné en 1954 en même temps que la création du centre de secours.

Avant, je me souviens, lorsque je suis arrivé à Vauvert, le corps disposait d’une citerne de 1 000 litres posée sur un châssis. A l’arrière, Fernand Massol, le mécanicien, avait monté une petite pompe avec un moteur à essence. L’ensemble était suspendu à un palan dans un local, jouxtant l’école maternelle, rue de la République ; là où se trouvent maintenant les sanitaires de la place Jacques Arnoux.

Je vous laisse imaginer les manœuvres fastidieuses en cas d’intervention.

 

Lorsque le tocsin sonnait – c’était avant l’usage de la sirène – pour signaler un incendie ou un accident, Elie Girard, qui conduisait le camion des ordures ménagères, allait le vider à la décharge, soit aux Piles Loin, soit à Danise (c’était les lieux de dépôts d’ordures). Puis avec son collègue, Jean Castello, ils se rendaient au local, rue de la République, et installaient la citerne. L’opération durait une demi-heure à trois-quarts d’heure. Il ne fallait pas que le mistral souffle trop fort ce jour-là.

Comment prévenait-on les pompiers à cette époque ?

Au début des années 50, on sonnait encore le tocsin pour donner l’alerte en cas d’incendie ou d’accident grave. Le garde champêtre ou l’appariteur municipal se rendait à l’horloge, place Gambetta, et actionnait la « cloche de bois » comme on l’appelait.
Avec la création du centre de secours, la municipalité fit installer une sirène sur le toit de la mairie. C’est l’appariteur, Fernand Libra, qui la déclenchait afin de prévenir les pompiers. Plus tard, au moment de l’aménagement du quartier de la Costière, nos édiles précautionneux firent poser une sirène d’appoint au collège Jean-Macé. Mais, elle n’a pratiquement jamais été utilisée en dehors des essais d’alarme mensuels.

Quelles étaient vos principales interventions ?

Nous intervenions surtout pour les feux de cheminée. A l’époque, à partir du mois d’octobre, un jour sur deux, vers 8 heures et demi, nous étions alertés pour un feu de cheminée. Il fallait arriver rapidement sur les lieux pour éviter la propagation dans les autres pièces de l’habitation.
Nous ne faisions pas encore d’accident car nous n’avions pas les moyens nécessaires pour transporter les blessés. Nous disposions juste d’un brancard. En cas d’accident grave, nous appelions les pompiers de Nîmes. Il a fallu attendre la première ambulance en 1965, pour pouvoir intervenir sur les accidents.
Il y avait également quelques feux de broussaille – un peu dans les bois et dans les marais – mais rarement de grands feux.

Le premier grand feu que nous avons fait, c’est au mas du Grand Bourry en novembre 1954. Nous étions nombreux. Il y avait les pompiers d’Aigues-Mortes en renfort. Toutes les caves ont brûlé au mas ; Dedans, il y avait du soufre, des sulfates,…
Ce que nous faisions assez souvent au mois de juillet : des feux de chaume (ce qui restait des champs de blé et de céréales) surtout vers le Cailar, dans les terres du Vistre.

Quels ont été les grands changements qui ont marqué le centre de secours ?

Le premier grand changement s’est produit en 1954 avec la création du centre de secours. Nous avons connu ensuite des évolutions au fur et à mesure que nous recevions les équipements. Par exemple, lorsque nous avons reçu une jeep pour les petits feux de forêt ou la grande échelle en 1978. Ces matériels nécessitaient des manœuvres et des stages de formation. La dotation de notre première ambulance en 1965 a également élargi notre champ d’intervention.

 

1969 a marqué une nouvelle étape avec le déménagement, avenue Maurice Privat. C’est aussi l’année où Jean-Claude Guiraud a intégré le corps dont il prendra le commandement neuf ans plus tard.

Enfin, la professionnalisation progressive du centre d’incendie et de secours à partir des années 90 et la construction de la nouvelle caserne ont transformé fondamentalement le corps des sapeurs pompiers.

 
 

En quoi la professionnalisation a-t-elle modifié l’état d’esprit et le fonctionnement du corps des sapeurs pompiers ?

Au départ, le fait d’avoir des pompiers avec des statuts différents dans une même structure, cela a suscité quelques tensions et frustrations qui peu à peu se sont atténuées. D’autre part, avant, nous étions tous de Vauvert et nous nous connaissions tous familièrement. L’augmentation des effectifs – une centaine aujourd’hui par rapport aux trente à quarante des années 70/80 – et les recrutements externes ont changé les relations entre les individus. Le lien de solidarité s’est parfois distendu.
Par contre, l’arrivée de professionnels mieux préparés physiquement et dotés de bons niveaux de qualification a crée une émulation bénéfique à l’ensemble du corps.

N’est-ce pas aussi le rôle des amicales de renforcer ce lien de solidarité entre les pompiers volontaires et professionnels ?

Oui, tout comme un des buts premiers de notre amicale de pompiers vétérans est de prolonger les relations de camaraderie entre les anciens sapeurs pompiers et les pompiers actifs.

Justement, comment s’est-elle créée ?

L’amicale des pompiers vétérans a été créée en 1983. René Gache en a été le véritable instigateur. Il est venu me voir, ça faisait trois jours qu’il était à la retraite, il m’a dit : « On devrait monter une association ». Je lui ai dit d’accord ; je fais les convocations. Elle a démarré en janvier 1983. On vient de fêter le trentième anniversaire cette année. René Gache l’a présidée de 1983 à 1999 ; j’ai pris la suite de 1999 à 2009. Depuis 2009, Gilbert Auguste en est le président.
Le but de l’amicale, c’était de se retrouver entre anciens pour faire des rencontres amicales ; maintenir les liens entre nous… et faire le lien avec les pompiers actifs dans un esprit de solidarité. Nous avons été la première amicale en France à être créée dans ce but. Maintenant, il en existe partout.

Avec le centre de secours, ça se passe très bien. Les relations sont excellentes. Une salle a été attribuée à notre amicale dans la nouvelle caserne : la salle Aimé Gache.

Au terme de cette rencontre, nous avons demandé à Jean Sarran quels étaient ses meilleurs souvenirs chez les pompiers.

J’ai plein de bons souvenirs chez les pompiers, notamment lorsque nous nous réunissons chaque année, début décembre, pour fêter la Sainte-Barbe. Moment privilégié où le travail des pompiers est mis en exergue avec le bilan des interventions et la remise des médailles, des galons. Mais la Sainte-Barbe, c’est surtout l’occasion de se retrouver en famille, d’échanger avec les partenaires concernés par la sécurité, gendarmes, police municipale, élus des communes couvertes par le centre de secours et de partager un grand moment de convivialité. Oui, ce sont des moments que je ne suis pas prêt d’oublier.

 
 
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A propos de l'auteur :

Guy Roca