Jacky Guedj, pédagogue écrivain ou écrivain pédagogue

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Invité à présenter son livre, Etincelles de Lumière, dans le cadre des Jeudis de Jaurès, initiés par le service Culture de la Ville, Jacky Guedj en a expliqué la genèse et livré le fil conducteur.
Dans ce roman historique, l’auteur narre des évènements qu’il a véritablement vécus dans sa jeunesse mais auxquels il apporte une tonalité quelque peu fictionnelle.

A travers les pages de ce petit ouvrage, l’auteur se penche sur son enfance dans un pays en guerre. Le regard qu’emprunte le narrateur c’est celui que porte un enfant sur de terribles événements. Il y dit ses joies, ses rêves, ses peurs, ses tourments, ses espoirs.
Au-delà de l’aspect singulier que comportent ces quelques anecdotes, l’auteur tente d’en dégager l’aspect universel. Les nouvelles se présentent alors comme autant d’étapes d’un parcours initiatique conté avec humour et une bonne dose d’autodérision.
La mémoire est sollicitée pour faire éclore d’un univers parfois bien sombre, quelques étincelles de lumière. Une manière pour l’auteur de se réconcilier avec un pays qui l’a forcé à l’exil. 

Le Jeudi 28 janvier à l’Espace Jean Jaurès, les anciens collègues et amis de Claude-Jacky Guedj ont découvert lors de la présentation de l’ouvrage des facettes méconnues de l’enfance de l’auteur vécue dans le contexte de la guerre d’Algérie. 

Le livre est publié à compte d’auteur.

Prix public : 9 euros

On peut se le procurer en contactant directement Jacky Guedj :
Tél : 04 66 88 74 15
Mail : cj.guedj@laposte.net

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Etincelles de Lumière   (Extraits)

cj_guedj_141955. En ces temps de tranquille assurance où je me permets de rêver l’esprit éveillé, je fais aussi des cauchemars. Inutile de dormir pour en être la victime. Un jour, j’entends mon père et ma mère échanger librement avec mon grand frère, entré dans la police municipale, à propos des « Evénements. » Lui, il sait. Aussitôt, l’inquiétude se lit sur leur visage. Maman laisse couler une larme qu’elle ne peut retenir quand elle s’aperçoit que l’angoisse me gagne. Elle m’éloigne, tente de me rassurer. Trop tard ! J’ai entendu leurs propos et maintenant moi aussi, je sais. Ils ont égorgé des hommes, ils leur ont tranché le sexe qu’ils leur ont introduit dans la bouche. Beurk, quelle horreur ! Instinctivement, je passe la main sur ma gorge, comme pour la protéger.

A l’école, en cours d’histoire, on nous apprend que la guerre est un état normal chez les humains. Que cela a toujours été. La France qui était auparavant la Gaule a connu de nombreuses invasions successives, les Goths, Les Wisigoths, les Huns, les Germains, les Francs… Mais il y a longtemps. Et puis elle a combattu les Anglais qui aujourd’hui sont nos amis. Elle s’est battue aussi contre nos voisins, les Espagnols et surtout contre les Allemands. Tous en voulaient à notre patrie. On nous apprend à admirer les héros, nos héros qui ont livré des batailles sanglantes à des ennemis redoutables. Et nos héros, ils narguaient la mort. Les professeurs évoquent nos pauvres défaites et chantent nos valeureuses victoires. Au cours de ces innombrables guerres, il semble qu’il n’y ait jamais eu de blessés parce qu’on ne nous en parle pas. Il y a eu des morts, certes, et par milliers mais pas de blessés. Alors moi, je veux bien mourir s’il le faut, mais penser que je devrai aussi supporter mon zizi dans la bouche… Beurk ! Beurk !… ça non, je ne pourrai pas. 

cj_guedj_14Nicole a appris que la bijouterie des voisins a été le théâtre d’un nouvel attentat. Une grenade a été lancée dans la boutique, occasionnant des blessures importantes aux propriétaires mais aussi aux clients devenus plus rares. Hélas, on déplore la mort de deux personnes. Deux jeunes fiancés venus là choisir des alliances. Deux jeunes personnes qui envisageaient l’avenir avec espoir. Se marier, fonder une famille,… Deux jeunes personnes que le hasard avait conduites là, ce jour. Et Jeannot ! Le petit Jeannot a été blessé lui aussi. De nombreux éclats ont pénétré sa chair tendre. Ses mollets sont perlés de petits trous douloureux et ses mains ont été touchées. Peut-être perdra-t-il l’usage de certains doigts. Par bonheur, son doux visage d’ange a été épargné. C’est depuis qu’elle sait que son ami a été conduit à l’hôpital, que Nicole s’est réfugiée dans le silence.

Appuyé à la rampe en fer du balcon, je levai les yeux au ciel, attiré par la danse d’un vol d’étourneaux qui s’amusaient à virevolter dans un ensemble parfait, comme un seul individu. Et c’étaient mille et une arabesques éphémères que ces artistes créaient pour le plus grand plaisir des yeux. Les figures mouvantes aux formes le plus souvent allongées, donnaient naissance à une baleine, un énorme serpent, un diplodocus, un dragon à la gueule béante,… ou à toutes sortes d’animaux géants et fabuleux qui se déplaçaient rapidement avec une rare élégance. Malheur à la buse ou au faucon qui auraient cherché à attaquer l’un de ces monstres. Fallait-il voir dans cette spectaculaire formation ailée une formidable leçon de solidarité à laquelle nous invitent ces oiseaux, fragiles et démunis quand ils sont seuls, réduits à n’être que des proies faciles, ou plus prosaïquement une manifestation de la loi darwinienne selon laquelle seuls les plus forts et les mieux adaptés survivent ? En effet, parfois certains étourneaux vraisemblablement épuisés se retiraient de la scène, renonçaient à reprendre leur place au sein du groupe afin de se reposer dans l’épais feuillage des pins.

cj_guedj_14Le sentier chante sous nos pas alertes. Nous avançons sous un ciel de plomb, chauffé à blanc. La liberté a des charmes infinis mais elle a un prix. Il faut la mériter. Notre premier combat est une victoire. Pour une journée, nous échappons au terrible Monsieur Pisse-vinaigre, notre maître d’école. Cet homme n’a rien pour plaire. Il compense sa petite taille par une méchanceté à la hauteur des tyrans et criminels les plus célèbres. On l’imagine aisément en sosie du sinistre Hitler. Sa fine moustache bien découpée cache une lèvre supérieure si mince qu’elle semble inexistante. On devine une absence totale d’empathie. Il est incapable de manifester la moindre tendresse. Il n’a pas d’enfants. Monsieur Pisse-vinaigre ne peut en aucun cas imaginer ce qu’est un enfant et ce qu’il signifie de fragilité. Heureusement, l’an prochain, nous en serons débarrassés, nous irons en classe de sixième au collège.

Sans attendre la moindre réponse, l’Arabe nous ordonne de regagner au plus vite nos foyers. Et qu’il ne nous revoie plus dans ces parages ! Ici, nous sommes en danger.  Ce n’est absolument pas le lieu ni le moment d’entamer des négociations. Penauds mais ravis d’être encore en vie, nous détalons. C’est un vrai miracle ! Tout tremblants, nous n’échangeons aucune parole. Nous sommes trop impatients de retrouver le clocher de l’église, les rues, les échoppes, les maisons de la ville. Là, tête basse, nous nous séparons. Je ne cesse de penser à cet homme que j’imaginais avide de sang. Ce n’était pas un terroriste, ce n’était pas un fellagha. Il ne nous voulait aucun mal. C’était un simple paysan, peut-être un ouvrier agricole, un fellah chargé de surveiller la future moisson. Il m’a foutu la trouille de ma vie mais je lui suis reconnaissant de nous avoir généreusement protégés, mes deux copains et moi, contre nous-mêmes.

Cette année-là, Mehdi se fit plus rare, disparaissant parfois plusieurs jours, plusieurs semaines. J’appris bientôt qu’il était parti loin de notre village, pour la ville et le lycée où il était interne. C’était un élève sérieux qui avait brillamment obtenu son diplôme de brevet élémentaire au collège. Et puis, il avait décroché une bourse qui lui avait permis de poursuivre ses études dans le secondaire où ses résultats étaient très satisfaisants. Mon ami me manquait. Mais je savais qu’avec les grandes vacances, reviendrait le sourire généreux de ce solide gaillard. Alors, j’espérais et je repensais à certains cj_guedj_14échanges que nous avions. Il me racontait des histoires que je connaissais pour les avoir déjà entendu raconter par ma mère, le soir, à la veillée quand elle n’était pas trop éreintée. Mais cela m’enchantait de les entendre à nouveau. Il imitait à la perfection la voix caverneuse du génie qu’Aladin avait libéré et qui lui obéissait en tous points. Il faisait de grands gestes pour donner vie à la saga de Simbad le marin.

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A propos de l'auteur :

Guy Roca