A la veille de prendre ses fonctions au Football Club de Nantes, René Girard se livre en toute simplicité.

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Il ne prend ses fonctions, officiellement, qu’à la fin du mois mais il s’est déjà attelé à la tâche et pleinement investi dans son nouveau poste de coach.
Avec la simplicité et la sincérité qui le caractérisent, il nous livre ses impressions sur le FC Nantes et sur le football en général.

Alors, content de retrouver la D 1 et la compétition ?

Content et même ravi. D’abord, si je le fais, c’est parce que j’en ai envie et que ça me marquait. Oui, c’est un grand plaisir parce que dès qu’on a « trempé dans la soupière », c’est difficile de s’en passer… J’ai l’opportunité de rebondir à Nantes, c’est quelque chose de super.

Ce retour, vous le préparez discrètement et patiemment depuis des mois, en quoi constitue-t-il un événement ?

Faire une coupure dans mon activité professionnelle, prendre une année sabbatique, ça m’est déjà arrivé une fois, après la direction technique nationale. Mais dans un monde qui bouge beaucoup et dans ce métier très exigeant, il faut garder le contact, suivre les évènements, rester vigilant. Et ce n’est pas simple. J’avais pris mon train-train de retraité, les pelouses à la maison, monter aux halles chercher les journaux, le pain, voir les amis, passer un moment, faire du vélo le matin avec mon pote Barbé (Gérard Barbeyrac). Des choses vraiment tranquilles. Alors, l’évènement, c’est de se remettre au boulot. Mais, je crois que j’en avais besoin.

A un moment, n’avez-vous pas douté de pouvoir saisir la bonne opportunité ?

Je ne parlerai pas de doutes, mais on sait que le métier n’est pas simple. Il y a beaucoup de candidats et peu d’élus. 20 clubs de 1ère division et 20 clubs de 2ème. Je souhaitais à la fois trouver un club qui me convienne et pouvoir m’entourer de mon staff habituel, composé de mon fils, Nicolas, et de Gérard Bernardet. Je me suis donc laissé une année pour prendre un peu de recul, voir comment les choses se présentaient et, là, je suis arrivé à rebondir dans une terre de football : Nantes. Un club qui a connu un passage difficile mais qui revient au premier plan.

Comment fait-on pour se tenir prêt physiquement et psychologiquement ?

Physiquement ? Je me suis mis au vélo et j’ai trouvé un rythme assez intéressant. En plus, on est dans une région, que ce soit l’hiver ou l’été, où on peut pédaler sans problème. La voie verte et la Petite Camargue nous offrent un cadre très agréable. Donc, je ne me suis pas forcé, je suis arrivé à maintenir un rythme physique assez intéressant pour ne pas être trop « délabré » quant je repartirai.
Je fais du vélo 4 à 5 fois par semaine. La boucle peut partir de Vauvert, Gallician, canal du Midi, Tour Carbonnière, revenir par Saint-Laurent, couper par la Tour d’Anglas. Ça fait 45 km à peu près. Et puis, on peut également choisir des parcours plus courts, adaptés à ses besoins, à ses envies.
Côté psychologique, ça va de pair, il faut être aussi bien dans sa tête que dans son corps.

Avec le FC Nantes, quel est votre challenge ?

Comme je vous le disais, Nantes est une terre de football au passé glorieux. Ce n’est peut-être plus le club que j’ai connu dans les années 70 avec les Henri Michel, José Arribas, Coco Suaudeau,… mais, le travail de fond du président Kita commence à porter ses fruits et ouvre la voie du renouveau. Remonté en D 1, il y a 3 ans, il a retrouvé une assise, et pour moi, le challenge consiste à essayer de franchir encore une étape, de se classer dans le top 10, et même faire mieux si c’est possible. Avec le président, nous sommes partis sur un projet ambitieux mais toujours en adéquation avec les moyens du club. On sait qu’on ne peut pas lutter avec Paris, Monaco ou Lyon, c’est trop haut – du moins, d’un point de vue financier – après sur le terrain… Justement, j’aimerai apporter cette vinta (volonté) qui fait qu’on ne doit craindre personne. Le challenge me paraît très intéressant. On est en train de travailler sur le recrutement avec beaucoup d’ambition.

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Photo © FC Nantes
René Girard, ici aux côtés du Président Waldemar Kita et de Franck Kita, sera accompagné de ses adjoints Gérard Bernardet et Nicolas Girard (photo ci-dessus).

Quand et comment vous installez-vous à Nantes ?

La première étape, après la fin du championnat, dans la deuxième quinzaine de mai, consistait à prendre contact avec les dirigeants, rencontrer le président, voir les projets du club, discuter avec ses responsables de la façon de travailler et de ce qu’on peut attendre aussi. A partir du moment où tout ça était en place et bien, on pouvait mettre la petite griffe en bas de la page. Un contrat de 2 ans qui prendra effet officiellement à partir du 1er juillet. Mais en pleine période de recrutement, vous vous doutez bien que je ne reste pas les bras croisés, l’essentiel de mon travail se fait en ce moment par téléphone.
Je remonte à Nantes le 25 juin et on reprend les entraînements le 29.

Concernant mon installation et le logement, j’ai eu beaucoup de chance. Une maison se libérait. Pour moi, pour ma famille aussi, c’est important d’être bien dans la vie de tous les jours. Ça participe à un bon équilibre. La première maison que nous avons visitée, ça a été le coup de cœur. C’est une villa dans un petit village tranquille. Bien placée, à 10, 15 minutes du stade et des terrains d’entraînement.

Connaissiez-vous déjà la région Nantaise ?

Je connaissais Bordeaux, jusqu’à Royan, un petit peu la Bretagne mais un peu moins le pays Nantais. Chez les footeux, comme on n’a pas trop le temps de vadrouiller, on a coutume de dire qu’on connaît juste le stade et le chemin du stade. Mais, je sais que c’est une belle ville où il fait bon vivre. Le climat est doux, c’et le climat atlantique, peut-être un peu plus humide qu’ici. Ça se rapproche (sourire) – je ne le dis pas trop fort – du climat Bordelais.

En quelques mots, parlez-nous du club, de ses dirigeants, de ses structures.

Le FC Nantes est dirigé par la famille Kita. Waldemar Kita, un homme d’affaires du secteur de l’optique, en est devenu propriétaire et président en 2007. C’est, lui, le patron. Son fils, Franck Kita, assure la direction générale.
80 salariés s’activent dans le club solide et bien structuré des « Canaris ».
Le stade de la Beaujoire, construit en 1984, lors du championnat d’Europe, appartient à Nantes Métropole. Il peut accueillir 37 500 spectateurs.
Les entraînements ont lieu à La Jonelière, au Centre sportif José Arribas, qui regroupe le centre d’entraînement et le centre de formation.
En matière de formation, le FC Nantes fait figure de précurseur. Son centre de formation d’où sont sortis – pour ne citer que les champions du monde 1998 – Didier Deschamps, Marcel Dessailly, Christian Karembeu, est un des plus réputés d’Europe.
Voilà de quoi bien faire, de quoi bien travailler.

Comment se présente le groupe de joueurs que vous allez coacher ?

Je connais bien l’effectif quasiment dans sa totalité. Il faut tout d’abord souligner que cette année, 8 joueurs, prêtés ou en fin de contrat, sont partis ; ce qui représente un mouvement important. Depuis la mi-mai, je peux me pencher sur l’effectif et si les moyens financiers du club ne sont pas mirobolants, le président se donne quelques marges de manœuvre. Donc, l’essentiel, c’est de ne pas se tromper dans le recrutement. C’est le plus compliqué. Le club dispose d’une cellule de recrutement qui repère des joueurs toute l’année.
Il faut avoir un effectif avec les jeunes joueurs du club d’au moins 22 joueurs de champ, je ne compte pas les gardiens parce que c’est un petit peu à part. Ce qui fait que l’on peut partir sur une saison intéressante. Mais dans ces 22 joueurs doit se dégager aussi une équipe de « titulaires » entre guillemets, la véritable colonne vertébrale.
Voilà, quand on est entraîneur, il est primordial de rapidement connaître son groupe et de s’en imprégner.

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Comment et avec qui allez-vous diriger l’équipe ?

Le staff dont j’ai la responsabilité est composé de mes deux adjoints, mon fils, Nicolas et Gérard Bernardet, de deux préparateurs physiques, (Le premier préparateur physique s’occupe plus particulièrement du groupe pro, le second est en charge de la réathlétisation des joueurs blessés, de la préparation physique spécifique de certains joueurs), et de l’entraîneur des gardiens. Le staff comprend aussi le corps médical avec deux médecins, quatre kinésithérapeutes, un psychologue, plus une personne qui s’occupe de la vidéo. Ce qui fait une équipe assez élargie et pas mal de monde à gérer.

Le côté passionnant de ce métier, c’est qu’il y a l’aspect football mais il y a tout le côté humain. Il faut établir des relations de confiance avec les joueurs et être attentif au moindre problème. L’important, c’est le relationnel. Moi, je me base beaucoup sur le respect et sur l’honnêteté des échanges. Dans mon discours, je suis assez carré. Ça ne sert à rien de se raconter n’importe quoi si c’est pour faire l’inverse. Donc au départ, on se fixe une ligne de conduite, je leur dit, « la porte est ouverte vous pouvez venir quand vous voulez, c’est toujours ouvert, mais quand vous franchirez la porte, vous n’allez peut-être pas toujours entendre ce que vous voulez entendre ». C’est un travail presque familial mais en même temps, indispensable au bon fonctionnement du groupe. C’est comme dans la vie, quand des choses ne vont pas, il y a peut être des raisons à ça.

Quel est votre programme de préparation avant le début de la saison ?

Grosso modo, c’est 6 semaines de préparation, du 1er juillet au 13 août. Les garçons qui sont partis en vacances – certains disputent des compétitions internationales – ont eu un programme de préparation les trois dernières semaines avant la reprise des entraînements. Un travail d’entretien (séances de footing, une ou deux fois par jour) tout simplement afin de ne pas arriver le 1er juillet sans rien dans les jambes.
Nous reprenons l’entraînement mercredi 29 juin à la Jonelière. Du 5 au 12 juillet, nous effectuons un stage à Annecy et nous enchaînons avec 6 matchs amicaux dans la foulée. Un calendrier et un programme qui me paraissent cohérents afin de permettre aux cinq ou six  joueurs nouveaux de découvrir un peu notre football et de s’habituer à jouer ensemble.

Depuis l’époque où vous jouiez, pensez-vous que le football ait évolué ?

Évolué ? le mot est faible pour parler de la pratique de cette activité sportive. Lorsque je suis parti de Vauvert pour aller jouer à Nîmes Olympique, en 1968, je me souviens d’une époque où il n’y avait pas de médecin dans les clubs, où il fallait aller le voir à son cabinet. Le kiné passait une fois par semaine et souvent on se massait soi-même. Comparé à aujourd’hui, ce n’est plus le même football. Au niveau des règles, il n’y a pas eu de grands bouleversements, si ce n’est la passe au gardien, l’arbitrage qui est passé à 3, à 5, et maintenant à l’assistance vidéo.
Par contre, le football a énormément évolué dans le travail et dans la préparation physique. C’est beaucoup plus individualisé, beaucoup professionnalisé. On tire tout le potentiel de l’athlète. Notre première semaine à Nantes va être basée sur les tests athlétiques, c’est-à-dire sur l’endurance, la capacité à produire des efforts de longue durée, sur la condition physique des joueurs. Evaluer la consommation maximale d’oxygène (VO2 max), la vitesse maximale aérobie (VMA), calculer la fréquence cardiaque maximale, etc.
Le football est devenu beaucoup plus physique. Pas au niveau des contacts parce que je pense qu’avant, c’était plus rugueux, il y avait beaucoup plus de contacts qu’aujourd’hui. Mais par contre, la répétition du nombre de matchs, des entraînements, l’individualisation au niveau du travail, le jeu qui va beaucoup plus vite, tout cela exige des efforts physiques plus intenses.

Cela a-t-il une influence sur le jeu ?

Le football est devenu beaucoup plus tactique. Par rapport à l’entraînement, je dirai qu’avant, on jouait un petit peu pareil, chacun était à sa place, on avait souvent du marquage individuel, aujourd’hui, on a du marquage de zone. On retrouve beaucoup plus de schémas tactiques aujourd’hui. Il y a des équipes qui jouent à 3 derrière, des équipes qui jouent à 5, des équipes qui jouent à 4 au milieu à plat, des équipes qui jouent à 4 au milieu en losange, des équipes qui jouent à 3, des équipes qui jouent avec une pointe…
Si tu es très fort, comme Paris aujourd’hui sur le plan national, tu imposes ton jeu, si tu n’es pas assez fort, il faut trouver le petit truc qui va perturber l’adversaire. Il y a une réflexion en permanence.

Oui, le football a beaucoup évolué. Avant, la position des  joueurs sur le terrain en début de match prédisposait à un jeu plus offensif, plus ouvert. Aujourd’hui, c’est plus de réflexion, plus de tactique, peut-être plus de prudence aussi… En fonction des joueurs que tu as, tu peux être plus ou moins offensif. Quand tu as Neymar, Messi et Suarez, tu ne te poses pas la question. Plus les joueurs sont bons plus tu vas essayer de jouer cette carte, mais ce n’est pas une garantie.

Et puis, il y a l’argent… Parce que Coubertin, dans le football, je m’excuse mais… il n’existe pas. Un président qui met de l’argent, il veut voir du spectacle, mais il veut surtout des résultats. Alors, à un moment  donné, il faut mettre le cursus victoire, compétition en adéquation avec le jeu. Le poids de l’économie, des médias, est énorme.
Mais finalement, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’esprit de compétition et l’argent n’altèrent pas la popularité du football qui reste le sport le plus pratiqué au monde et qui continue d’attirer de nombreux spectateurs.

Bio en 11 dates

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A propos de l'auteur :

Guy Roca