La plupart des naissances ont lieu entre les mois d’avril et mai. Le sevrage s’effectue en automne alors qu’ils ont environ six mois. Pour cela, les veaux seront éloignés des mères afin d’éviter qu’ils ne s’appellent et placés dans un enclos, non loin du mas, où ils passeront la période hivernale. Ce n’est qu’au printemps qu’ils rejoindront leurs congénères âgés d’un an de plus. En ce moment, ce sont les seuls, dans la manade, à bénéficier d’un apport alimentaire. Tous les matins, vers 8 heures et demi, il faut aller les « arriber ». Juchés avec Laurent sur le plateau chargé de ballots de fourrage, nous voila partis dans le pays avec Fabien aux manettes du tracteur.
Les veaux nous ont repérés de loin. Le bruit du tracteur loin de les inquiéter attise leur intérêt. Il leur est familier et annonce quelque chose d’agréable. Cette intervention quotidienne fait qu’ils s’habituent à la présence humaine. Trop farouches, ils poseraient des problèmes, une fois adulte, pour les manipuler. « L’arribage », outre sa fonction alimentaire, à donc pour effet d’éduquer cette future graine de champion.
Il ne faut pas tenir compte des restes de fourrage qui ont été épandus la veille car ils ne seront pas consommés par les animaux. Le tracteur va faire quelques aller et retour pour disséminer l’apport de fourrage en petits paquets afin que les veaux se dispersent pour s’alimenter. C’est d’ailleurs avec beaucoup de calme qu’ils vont se rapprocher de leur ration de foin. Pas de bousculades, juste un empressement mesuré. Fabien et Laurent connaissent bien les bêtes et font toutes les manœuvres en douceur.
Ce « simbèu » s’appelle Papillon. C’est le seul adulte à accompagner les veaux. Sa présence est rassurante et d’ailleurs, ils le suivent partout. Il est en quelque sorte leur gardien, celui qui va les accompagner dans l’apprentissage de l’autonomie. Tout un symbole…
Jean-Pierre Trouillas
Petit lexique de la bouvine
* Arribage : En période hivernale, pour compenser le manque d’herbage, le manadier complète l’alimentation des taureaux par un apport de fourrage. Cette distribution de foin ou de luzerne, c’est « l’arribage ». Aux Iscles, la mise en culture de terres fourragères assure à la manade Blatière Bessac son autosuffisance.
* Simbèu : C’est le terme provençal (symbole, signal) qui désigne le taureau castré servant de « dountaïre » (dompteur). Portant une sonnaille autour de son cou, le simbèu est parfois chargé de ramener au toril le cocardier qui refuse de quitter l’arène.