Dans les coulisses du Diable Vauvert

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La maison d’édition Au Diable Vauvert a soufflé cette année ses 15 bougies. L’adolescence a basculé dans l’âge adulte. A cette occasion, sa fondatrice, Marion Mazauric, nous guide dans les coulisses du Diable, aménagées dans l’ancienne école de La Laune, nous présente son équipe et nous fait découvrir la complexité, les difficultés et les joies de ce métier/passion.

15 ans d’existence, peut-on parler d’une étape importante ?

Chaque année passée est une étape et une victoire. Depuis la création, c’est la lutte pour la survie. Dans un univers qui est difficile économiquement, vivre en vendant des livres, tout le monde voit bien que ce n’est pas évident. Ce constat de réalité établi, si chaque année passée représente une étape, on considère que les deux principales phases de développement d’une maison d’édition se situent à 10 ans et à 20 ans.
Il faut aussi savoir qu’une bonne partie des maisons d’édition (entre 60 et 70 %) ne passe pas la troisième année.

Comment se caractérisent les deux grandes phases ?

10 ans : C’est la constitution du catalogue. Quand tu arrives à 10 ans, tu es un peu à l’âge adulte – on va dire. Le catalogue te permet d’être identifié.
Après, la 2ème grande phase, c’est 20 ans. Et là, tu t’aperçois qu’à 20 ans, tu as vraiment constitué un fonds, obtenu des prix littéraires et acquis une certaine légitimité. Les ventes de livres issues du fonds, soit directement, soit via les poches, soit via les adaptations cinéma, apportent de la trésorerie et créent du confort.

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La maison d'édition dans l'ancienne école de La Laune
La maison d’édition dans l’ancienne école de La Laune

Donc à 15 ans, vous avez fait les 3/4 du chemin qui doit permettre Au Diable de s’installer durablement dans le paysage littéraire.

En reprenant les chiffres, les statistiques, l’histoire des confrères – ce que je fais depuis deux ans que j’enseigne l’édition à Aix – je me rends compte que globalement, on a bien observé toutes les étapes de développement éditoriales. De ce point de vue là, c’est une réussite. Après, sur le plan économique, c’est encore compliqué. Depuis deux ans, nous arrivons à un résultat d’exploitation positif et nous devrions atteindre maintenant, au bout de 15 ans, l’équilibre financier. Le problème de l’édition, ce qui pèse sur le plan financier, c’est surtout la dépréciation des stocks.
Alors, quand je dis qu’on est bien, je veux dire qu’on est bien dans les ratios d’une maison indépendante qui a finalement de la solidité. Mais ça veut dire aussi qu’il faut se battre au quotidien pour assurer la survie de l’entreprise.

Une entreprise qui emploie combien de personnes ?

L’équipe est composée de quatre personnes fixes salariées plus une correctrice salariée qui est à la tâche. Nous nous attachons également la collaboration de trois prestataires qui travaillent avec la maison d’édition depuis sa création. Deux stagiaires complètent l’équipe.

Parlez-nous un peu de votre équipe, du rôle de chacun.

Je vais commencer par Olivier (Ledeuil), 45 ans. Il est comptable et fait aussi du contrôle de gestion. Au Diable depuis cinq ans, il va passer un diplôme universitaire par validation des acquis. Il a gagné beaucoup de compétences et appris plein de choses ici. Il aime beaucoup la science fiction, les séries, c’est un amateur de rock. Les gens qui sont là sont totalement en phase avec la culture éditoriale de la maison.

Raphaël (Boudin), 28 ans, s’occupe de la production éditoriale. Il est assistant d’édition. Il était stagiaire, il va devenir éditeur junior. Son travail consiste à transformer un manuscrit en livre. C’est moi qui choisit les manuscrits et après, il y a plein de boulots différents pour arriver à faire un livre. Il y a d’abord le travail avec l’auteur sur le manuscrit. (correction orthographique, c’est une correctrice, Nicole Mison, qui assure cette tâche, puis le travail éditorial, c’est moi ou Raphaël, qui faisons une relecture éditoriale du texte, pour voir s’il n’y a pas des incohérences, des choses qui ne vont pas, des longueurs, des passages où on s’ennuie,  des répétitions de structures, de personnages…). Je fais beaucoup d’auteurs français mais Raphaël qui est un jeune éditeur en progression en fait aussi. C’est un ancien stagiaire de la maison que j’ai recruté par la suite pour numériser le fonds. Il est extrêmement carré, organisé. Et en plus, il écrit. Il a déjà publié un recueil de nouvelles, il travaille sur un roman et il a été deux fois finaliste du Prix Hemingway.
Titulaire d’un master II « Patrimoine écrit et édition numérique », il est installé à Nîmes avec sa femme qui a une formation de bibliothécaire et qui travaille dans le livre à distance.

Julien (Vignal), 30 ans, est arrivé il y a cinq ans. Julien est responsable commercial. Il s’occupe de la relation avec les libraires et de la commercialisation des livres. Mais bien sûr dans une maison comme le Diable, mon investissement personnel reste essentiel, c’est-à-dire que je fais aussi beaucoup de commercial. Et, j’ai renforcé l’équipe en engageant une fille en CDD qui travaille à l’extérieur.

Je suis la quatrième personne salariée de l’équipe. Directrice de la maison d’édition, j’occupe plusieurs fonctions : direction éditoriale, artistique, graphique, communication et marketing, management et gestion.

Directrice éditoriale, artistique, graphique… en quoi cela consiste ?

D’abord, c’est moi qui choisis les auteurs. Je les rencontre, je parle avec eux. Je leur consacre beaucoup de temps. J’ai des piles de manuscrits à lire, à sélectionner. Raphaël aussi a beaucoup de choses sur sa table. Et si d’autres « lecteurs » se penchent également sur les manuscrits, tous les bouquins qui sont publiés, c’est moi qui les lis. Alors, je lis le soir, je lis dans le train,…

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Pour le graphisme et l’identité visuelle, je travaille depuis la création de la maison avec Olivier Fontvieille, graphiste reconnu, formé à l’École Estienne et à l’ENSAD (École nationale supérieure des arts décoratifs, dite Arts déco). C’est lui qui a réalisé le petit logo du diable. C’est lui qui fait toutes les couvertures. Mais il ne les fait pas tout seul. Chaque fois, préalablement, je lui fait un « brief » de création.
Pour la couverture d’un livre, mon objectif premier, c’est donner au lecteur l’image qui va faire en sorte qu’il se dise : « ce livre est pour moi. Je vais aimer ça ».
C’est donc un dialogue qui s’instaure entre Olivier et moi. Et, ça fait 15 ans que nous concevons ensemble tout le graphisme, toute l’image graphique du Diable.

Vous avez également la responsabilité de la communication, du marketing.

Pour la communication, je travaille avec une attachée de presse, Anne Vaudoyer et Julien. Anne est attachée de presse indépendante à Paris. Depuis la création de la maison d’édition en 2000, elle fait connaître à la presse, aux médias – internet, aujourd’hui – les ouvrages que nous publions.

04_lire_en_shortLogo PH Officiel NoirJ’assure la direction de la communication (programmation éditoriale, stratégie de vente avec chaque livre). Je rencontre les libraires parce qu’ils veulent voir l’éditeur. Je fais du commercial toute la journée. Je fais des évènements littéraires autour des auteurs. Je profite aussi de la caisse de résonnance d’être en région pour mener des actions sur le terrain (Lire en short), création du Prix Hemingway, des Avocats du Diable.

Il faut aussi évoquer une mission importante dans une entreprise de production et de diffusion de livres : la prospection et la négociation des cessions (droits étrangers, droits secondaires, droits poche, droits audiovisuels, etc.). Depuis janvier 2009, Marie-Pacifique Zeltner est chargée de la cession des droits aux éditions Au Diable Vauvert.

Dès le lancement de votre projet, vous avez reçu le soutien de grandes personnalités de l’édition qui participent au capital social de l’entreprise.

Et qui sont même devenus les actionnaires majoritaires. Grandes personnalités de l’édition comme Jean-Claude Fasquelle, Charles-Henri Flammarion, Jean-Pierre Arbon, ou mécènes formidables qui aiment les livres, qui apprécient le travail éditorial, ils sont aussi des conseillers et des soutiens. Même dans les moments difficiles, ils m’ont toujours soutenue. Ça s’appelle la confiance indéfectible.
Dès le départ, je suis parti avec ces actionnaires-là, ils ont suivi le développement de la maison et il y en a d’autres qui sont arrivés. Petit à petit, le capital s’est consolidé avec des gens de ce profil et depuis un an, avec 35 % des parts je suis devenue salariée. C’est aussi le gage que la maison me survivra.

Des fondations solides pour une ligne éditoriale ambitieuse et résolument contemporaine.

La ligne éditoriale du Diable Vauvert repose sur l’idée de construire une écurie d’auteurs qui parlent des choses d’aujourd’hui, avec des mots d’aujourd’hui, des personnages d’aujourd’hui. Mon ambition, l’ambition de la maison, c’est de constituer un catalogue où les auteurs sont suivis et publiés fidèlement. Un catalogue qui rassemble des grands écrivains de demain. Des écrivains qui, comme Nicolas Rey, David Costavoila, Jean-Paul Didier Laurent, Titiou Lecoq, pour ne citer qu’eux, se sont nourris aussi bien de littérature que de cultures contemporaines et de problématiques contemporaines.
Il ne s’agit pas d’une littérature d’élite mais d’une littérature à la fois réaliste et narrative.

Au Diable Vauvert ambitionne de créer un vivier d’écrivains très contemporains qui touchent un large public, qui suscitent l’intérêt des jeunes, qui leur donnent l’envie, le goût, le plaisir de lire.

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A propos de l'auteur :

Guy Roca